
Pour les 10 ANS de ClientauCoeur, j’ai interviewé une douzaine de personnes. Quatrième interview publiée, celle de Lise Déchamps :
Pouvez-vous, vous présenter ainsi que votre fonction dans l’entreprise ?
Lise Déchamps, je suis consultante sur les problématiques digitales, relation client et parcours client chez Univers Retail. C’est un cabinet de conseil spécialisé dans la Distribution.
Depuis combien d’années baignez-vous dans la Relation Client ?
Je baigne dans la relation client depuis 20 ans, en démarrant chez Telemarket (pionnier du supermarché en ligne). J’ai pu m’apercevoir de l’importance de la relation client, qui peut être très dématérialisée mais qui n’empêche pas d’investir dans l’humain pour l’améliorer. Autant sur le service après vente qu’avant vente.
ClientauCoeur fête ses 10 ans ce mois d’Avril. À cette occasion, je vais vous demander un exercice difficile, celui d’élire LE changement majeur de ces 10 dernières années en termes de Relation Client ?
J’en vois deux mais qui ne vont pas dans le même sens. D’un côté, la relation client s’est vraiment professionnalisée et c’est devenu un métier reconnu à part entière, avec des études dédiées, des métiers plus valorisés qu’avant, avec des perspectives de carrière…
Et à contrario, ce qui émerge depuis 2 ans, c’est un mouvement où la relation client est reprise ou déléguée partiellement à des utilisateurs. Par ex. tous les systèmes de Chat communautaire, les communautés d’aide, comme celle de Sosh, etc. Ce ne sont plus des professionnels de la Relation client qui vous répondent mais d’autres clients.
Et je trouve ça intéressant en ce sens qu’ils ont une affinité avec les produits qui est plus forte que celles des collaborateurs de la relation client, par contre on perd une partie du service client en tant que tel… et c’est un peu comme l’User Generated Content [contenus produits par les utilisateurs d’un site ou les clients d’une marque], à force de faire faire une partie du travail par les clients, il n’y a plus de travail pour les collaborateurs !
Vous pensez que les clients experts ne sont pas capables de faire aussi bien qu’un agent du call center ?
Si, mais ils ne sont pas payés pour ça. Et à un moment donné, ça pose un problème de création de valeur du service. Et puis, ils peuvent être experts et ne pas savoir s’exprimer correctement… ils peuvent avoir des biais, dès lors qu’ils ne sont pas formés par l’entreprise. Il y a nécessité de maitriser la qualité du discours du client expert.
Je ne suis pas sûre que ce soit pour le bien de la qualité de service dans son ensemble. Par ailleurs, il reste toujours une partie de service commercial pur qu’il me paraît difficile de sous-traiter.
C’est un peu comme l’économie collaborative, on portionne la chaîne de valeur en sollicitant les clients qui font à leur tour des petits morceaux de chaîne de valeur. Par ex. des clients qui se mettent à livrer entre eux, etc. C’est plus ce genre de choses auquel je ne crois pas.
Comme je l’ai dit, il y a peu, à un réalisateur d’un docu sur les communautés collaboratives pour France 5, il ne faut pas confondre l’économie collaborative à la Uber avec le collaboratif client. Avec les communautés collaboratives client on est dans une démarche gagnant-gagnant, d’un point de vue création de valeur, qui n’est pas forcément monétaire. Selon moi, l’économie collaborative à la Uber c’est une phase de transition vers autre chose. Quoi ? On ne sait pas encore de quoi sera faite la société de demain, surement pas de capitalisme comme maintenant, mais peut-être de peer to peer…?
Oui bien sûr, mais j’ai un gros doute, car c’est effectivement un grand changement pour la société.
« Client au Cœur » est devenu un buzzword ! Selon vous c’est quoi mettre le « client au cœur » ?
C’est une question difficile, car comme vous dites c’est un buzzword et en même temps, ce n’est pas une réalité. Lorsque vous rentrez dans un magasin, il y a toujours la moitié des vendeurs occupés à faire autre chose, à discuter entre eux. C’est toujours difficile d’avoir de la valeur ajoutée dans le service.
Quelle est la raison de cette difficulté ?
Les raisons de cette difficulté sont multiples à mon sens. Il y a tout d’abord des soucis de rentabilité, qui font que les vendeurs ont d’autres missions à réaliser en même temps que celle de conseiller le client.
Il y a aussi la formation : savoir accueillir un client, l’accompagner s’il le souhaite mais ne pas être importun, cela s’apprend.
Enfin, il y a la rémunération : il faut qu’elle reflète pour partie la réalité de cette mission. Il faudrait une part de rémunération variable en fonction de critères quantitatifs (atteinte de critères commerciaux, par exemple sur le click-and-collect, lorsque le client vient retirer son colis en magasin) et qualitatifs (avis émis par les clients spontanément, questionnaires de satisfaction, clients mystère).
À l’inverse, quels sont les facteurs clés de succès pour devenir une entreprise qui met le « client au cœur » ?
Il faut arrêter de parler uniquement de client, de parcours client mais raisonner plutôt sur l’individu. Car l’individu est tour à tour consommateur, professionnel, usager, patient, etc. et tous ces statuts lui permettent de vivre une expérience d’individu unique et différente des autres « clients » du même segment.
Nous sommes tous multi facettes et l’entreprise doit en tenir compte.
Mettre le client au cœur, cela veut aussi dire mettre l’employé au cœur de son organisation, comme dans les entreprises libérées.
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