Je vais vous parler d’un phénomène, à l’origine commercial, devenu un phénomène de société : le putsch du consommateur sur le iPhone.
Qui n’a pas entendu parler du iPhone, ce téléphone portable révolutionnaire proposé par Apple ? Il est révolutionnaire car il a une interface tactile, il est doté d’un système d’exploitation, OS X, en version embarquée certes, mais qui le rapproche d’un ordinateur : on peut naviguer sur le Web et utiliser un certain nombre d’applications… comme sur un Mac.
On connaît aussi la magie des produits lancés par Apple. Le marketing autour du iPod ayant bien œuvré. Aujourd’hui, ce ne sont pas des clients ordinaires mais des clients adorateurs (brand lovers) ou encore des « groupies » qui s’emparent de l’objet d’adoration.
(Voir article sur l’iPod et l’expérience utilisateur)
Lorsqu’Apple a sorti l’iPhone, il a verrouillé le marché en associant la vente de chaque téléphone à un abonnement avec un opérateur particulier. Limitant ainsi les perspectives d’atomisation du marché. Mais c’était sans compter sur la communauté de clients « adorateurs » du iPhone ! Ses clients ont réussi à craquer le code et à permettre l’utilisation du iPhone avec n’importe quel opérateur. De plus, comme les applications du système étaient limitées, il n’y avait pas de nouveautés. La communauté a alors développé de nouvelles applications. Comme exemple de cocréation sauvage, il n’y a pas mieux !
Apple a été obligé de suivre le mouvement en lançant un plateforme de développement pour ses clients. C’est bien, mais cette plateforme est fermée, c’est-à-dire qu’il faut un abonnement obligatoire et le développement doit être validé par Apple.
Là encore, les utilisateurs d’iPhone ont réussi à craquer la plateforme et ils se la sont appropriée afin de développer des applications permettant d’améliorer leur produit chéri, sans aucune contrainte. On peut observer dans cette attitude une volonté forcenée d’appropriation du produit par une communauté de clients actifs. Ils considèrent qu’ils ont acheté ce produit et qu’il leur appartient de l’utiliser comme ils le souhaitent. Le fournisseur n’est plus propriétaire de ce produit.
C’est ainsi que l’on peut observer Apple courant derrière ses clients, eux-mêmes plus en pointe qu’Apple. Apple s’entête à verrouiller sa plateforme (ils en sont à leur 4ème version) à chaque fois craquée par des fanas du iPhone. Les développements et améliorations apportées par les clients comblent les lacunes du produit.
On peut s’interroger sur l’entêtement d’Apple à vouloir freiner l’enthousiasme et la créativité spontanée de ses clients. Au lieu d’être du côté de ses clients, de favoriser un tel élan, Apple a choisi l’argent facile, car à chaque client qui rentre via l’opérateur, Apple gagne de l’argent.
On peut se poser la question si, le manque à gagner d’Apple, en arrêtant son contrat avec l’opérateur choisi, ne peut être compensé par un apport marketing, des améliorations produit, voire de l’innovation à faibles coûts, générés par les clients ?
En effet, tout le buzz créé autour de la marque par ses clients évangélisateurs apporte de la valeur au produit et à la marque. Il faut laisser les clients devenir les promoteurs de votre marque. Mettre à disposition de cette communauté une plateforme de développement est certes un grand pas vers la coopération avec eux, mais fixer des limites à leur créativité n’est pas le meilleur calcul. Je pense que toute la difficulté réside dans le fait de laisser libre court à la créativité et au besoin de reconnaissance des clients contributeurs tout en restant maître du jeu.
La production, l’innovation et l’amélioration des produits ont un coût. Le fruit du travail de la communauté de clients permet de le réduire. Au lieu d’externaliser vers des sous-traitants (outsourcers) on externalise vers la foule de clients et prospects potentiels (crowdsourcing). Dans le cas d’Apple, la communauté lui donne l’opportunité d’interagir avec ses clients et constitue un laboratoire d’observation marketing de grande valeur.
Pour approfondir, voici quelques articles que j'ai écrits les années précédentes sur ce sujet :
La cocréation : le marketing communautaire