C’est en 2008 que le Groupe La Poste a lancé un vaste chantier d’audit de ses processus, de remise en question et d’amélioration de la Qualité de la Relation Client à travers son programme Ambition de Service. Ce programme Ambition de Service s’inscrit dans un projet stratégique Ambition 2015, qui veut placer le Groupe La Poste comme leader européen de services de proximité multi métiers, multicanal tout en se fondant sur l’excellence de la relation client et de la confiance.
Le programme Ambition de Service est constitué de 4 objectifs :
- Le renforcement de la confiance par la prise d’engagement clients ;
- La simplification de la relation par le développement d’un dispositif multicanal du groupe et par le développement de l’innovation de service ;
- La mise en oeuvre de l’Esprit de Service au travers de l’engagement de chacun des postiers ;
- L’intégration du suivi de ces projets dans le pilotage et le développement du management orienté client à tous les niveaux de l’entreprise.
Reste encore à travailler sur les nouvelles orientations qualité 2013 & 2018, notamment le chantier «Â Esprit de Service » concernant les attitudes et l’intelligence émotionnelle des collaborateurs.
C’est tout naturellement que je me suis intéressée à ces initiatives du Groupe La Poste et que j’ai pensé que le fruit d’une interview du Directeur Qualité Groupe, Xavier Quérat-Hément trouverait toute sa légitimité sur ClientauCoeur.
Voici l’interview de Xavier Quérat-Hément (XQH) :
LB : Dans les différents articles que j’ai lus vous concernant, vous citez que votre «Â Esprit de Service » est fondé sur le principe de la co-construction, incluant clients, postiers, partenaires et institutions. Concrètement, comment avez-vous impulsé et mis en oeuvre une démarche collaborative ?
XQH : Effectivement nous avons à la fois mis en oeuvre des chantiers dans le sens top / down, descendant :
- Pour la partie standard de service : Un travail de représentation du parcours client dans le bureau de Poste a été effectué, avec mise en évidence des moments importants pour le client, et il a permis de définir un standard de service pour chaque moment important. C’est-à -dire, ce que les guichetiers des 2000 plus gros bureaux de Poste de France doivent faire à ce moment-là du parcours client. Ces standards de service ont été écrits avec des mots des guichetiers, pas ceux du Marketing ou de la Qualité et en collaboration avec les responsables des bureaux de Poste.
- Pour la partie mesure de la situation : ce sont les visites mystères qui ont permis d’évaluer l’étendue de la prise en compte de ces nouveaux standards. La Poste a beaucoup investit puisqu’il y a eu jusqu’à 60 000 visites mystères par an. Elles ont été introduites auprès des collaborateurs comme des mesures, non pas pour sanctionner, mais pour accompagner sur le chemin de la réussite des collaborateurs.
Mais également, dans le sens ascendant, des clients et des salariés vers la direction Groupe :
- Des tables-rondes avec les clients ont permis aux guichetiers d’entendre de la bouche des clients, que les pauses de 16h30 à la sortie d’école étaient mal vécues, etc. La remontée des feedbacks clients s’est opérée de cette façon là .
- Des échanges entre patrons de bureaux de Poste : cela a facilité l’écoute de critiques ou conseils apportés par un autre collègue, patron également d’un bureau de Poste. Le message passe beaucoup mieux par la bouche de quelqu’un qui fait le même métier que de celle d’un haut cadre du siège. Ces échanges ont été très forts et ont permis de proposer un schéma, à la fin du pilote, qui a duré une année. Après ce schéma, favorisé par le fait que les guichetiers étaient satisfaits, il a été décidé de généraliser ce pilote sur 1000 puis 2000 bureaux de Poste. Ensuite, il y a eu tout un travail de déploiement avec la mise en place d’une boite à outils et d’une filière Qualité, pour que les opérationnels puissent avoir des personnes qui les aident dans la culture du changement. Le discours a été de déclarer aux opérationnels, qu’ils sont les personnes les plus importantes du système, pour répondre aux attentes des clients et qu’une personne leur est dédiée pour les aider dans cette mise en place. Ce qui leur est demandé, c’est de beaucoup travailler et communiquer avec leur équipe pour remonter ce qui a été trouvé comme segmentation des flux, des nécessités de déployer des standards de service et comment se les approprier.Â
LB : Avez-vous rencontré des obstacles en rapport avec l’adéquation des processus aux attentes des clients et la responsabilisation des collaborateurs ? [51% des citations – d’après une toute récente étude de Neolane] Quelle stratégie avez-vous mis en place ?
XQH : Il a fallu mettre en place tout un exercice d’explication et de communication. Je prends l’exemple de l’installation d’automates dans les bureaux de Poste, afin de fluidifier le parcours client, c’était une attente forte qui est remontée des échanges avec eux. Les postiers ont, pour certains, émis des objections quant à la réduction potentielle des effectifs dans le bureau de Poste. Et donc de ce fait, ils peuvent légitimement être opposés aux automates. De toute façon, il fallait les mettre, parce que c’est une demande client et un besoin économique, mais il leur a été expliqué que eux aussi allaient s’y retrouver car cela leur libèrera du temps pour faire des choses plus intéressantes et donc leur travail sera valorisé.
Le fait d’avoir ce discours, de rencontrer très régulièrement des patrons de bureaux de Poste, des patrons des 48 départements (1 département de la Poste c’est 2 départements français) et les 8 patrons des régions ainsi que moi-même en tant que Directeur Qualité Groupe. Cela a permis, toutes les semaines, de discuter tous ensemble, des chiffres, de l’avancement du projet, des remontées des visites mystères et d’avoir une vraie attention et mise sous tension de tout le dispositif et ensuite, échanger sur comment le faire évoluer.
La mise en place du taux d’effort : ça concerne les projets actuels. Jusqu’à présent nous avons travaillé sur ce qui était la résolution des irritants clients et nous avons fait de gros progrès. Mais il reste encore des choses à faire sur la réexpédition notamment. Puisqu’on veut être perçu comme un grand groupe de service, il faut qu’on mesure en quoi on est encore compliqué pour un client, parce qu’un groupe de service est là pour faciliter la vie de ses clients. Donc, on va leur demander, en quoi on est encore compliqué pour eux. C’est la mesure du taux d’effort du client pour être en relation avec nous, pour que nous sachions sur quelle expérience (déménagement, etc.) ça se passe bien ou moins bien !
Cela va nous permettre de travailler sur les processus que les clients désignent comme pas simples, encore aujourd’hui. Des enquêtes clients permettent de récolter ce feedback. Cet indicateur est bien dans une logique centrée client. Après, l’enjeu c’est de mettre ces indicateurs dans le tableau de bord du président pour qu’il soit suivi en temps réel et qu’on ne se contente pas d’indicateurs de situations passées ou réalisées (mesure J+1) mais sur de la perception client.
Les instants Qualiades : il s’agit d’un outil de communication interne. Une fois par mois, je vais en région pour une animation d’une journée avec tous les opérationnels de tous les métiers, ce qui est assez rare, car à la Poste il y a 4 métiers : le courrier, le colis, la banque et les bureaux de poste. Cette animation consiste en une table-ronde qui montre que la démarche entreprise en interne est une initiative générale entreprise par d’autres sociétés. On invite des témoins et l’après-midi il y a des ateliers où les gens travaillent sur des ces sujets d’esprit de service avec en général des thèmes sous forme de questions. Par ex. Comment rendre les postiers ambassadeurs de l’entreprise ?
Cette thématique est co-animée avec l’apport de suggestions des uns et des autres. Ensuite, il y a publication d’une plaquette qui synthétise les idées apportées. C’est donc un moment avec l’ensemble des acteurs de l’entreprise : on réfléchit sur le sujet du service au client. Il y a aussi les Trophées Qualiades une fois par an au Musée des Arts Forains : le DG remet des trophées à 100 voir 150 postiers (guichetiers et facteurs) dont on a estimé qu’ils avaient joué un rôle important dans la diffusion de l’esprit de service par des actes très concrets.
LB : Pourriez-vous me donner des exemples concrets de moyens que vous avez mis en place pour la gestion du changement ?
XQH : Mise en place d’un dispositif d’innovation participative : elle existait déjà dans l’activité Banque et Courrier, mais pas dans l’enseigne des bureaux de Poste. Elle a donc été créée pour leur permettre d’exprimer des idées de solutions. Puis, l’équipe a eu l’idée de greffer sur ce flux de remontées d’idées, celui concernant des irritants internes.
Détection des irritants internes : les patrons de bureaux de Poste pouvaient ainsi remonter des informations sur ce qui leur empêchaient de bien faire leur métier. Puis, l’équipe Qualité s’est engagée à ce que chaque irritant soit jugé au moyen du dispositif, tous les mois. Et s’il est suffisamment important pour être considéré au niveau national, alors un compte-rendu est fait aux patrons de bureaux de Poste sur l’avancement de la résolution de cet irritant.
Cela a été le cas par ex. du nombre de codes à rentrer lors de l’enregistrement d’une vente. L’un des irritants était que le guichetier devait enregistrer jusqu’à 32 codes dans toutes les applications informatiques dans le bureau. Un truc ingérable ! Aujourd’hui, il n’en a plus que 2 !
Aussi, le fait de déclarer que les collaborateurs des bureaux de Poste sont les personnes les plus importantes pour garantir une qualité de service, ce n’est pas juste du discours mais une réalité, avec des actes, car l’équipe Qualité a un véritable engagement interne vis-à -vis des collaborateurs, qui remontent leurs irritants, qui sont soumis à réflexion par l’équipe Qualité et à résolution par les équipes fonctionnelles concernées. Pouvoir signaler un irritant pour un collaborateur et si possible, lorsqu’il a une idée, la façon de le résoudre lui permet de s’approprier la situation.