J'ai été interviewée par Décideurs de la Relation Client sur la thématique de l'Expérience Client et cette interview a été publiée sur leur site communautaire dans la rubrique Avis d'Expert, le 24 Mai 2013. Je vous invite fortement à lire également les autres avis d'experts sur le sujet en vous rendant sur cette page.
Voici l'intégralité de l'article :
Aujourd’hui, qu’appelle t-on l’expérience client ?
L’expérience client définit la perception et le vécu de chaque client lors des interactions et relations avec les produits, la marque [on parlera d’expérience de marque] et l’entreprise. Cette expérience vécue [et à vivre] par les clients ne concerne pas uniquement la clientèle grand public mais aussi celle des professionnels.
Elle relève d’éléments à la fois rationnels (le rapport qualité/prix, le choix, la satisfaction des besoins ou l’atteinte des objectifs, les conditions de livraison, etc.) et émotionnels (confiance, sensations et perceptions agréables ou pas, personnalisation de la relation, valorisation, etc.).
Lorsqu’on s’intéresse à améliorer l’expérience vécue par les clients, on est confronté à un triple challenge : prendre en compte tous les canaux et points de contact ; ainsi que le parcours client tout au long de son cycle de vie (Recherche, Sélection, Achat, Consommation & Utilisation, Fidélisation, SAV, Ré-Achat, Recommandation) ; tout en focalisant sur les moments de vérité, qui sont critiques, en ce qui concerne le ressenti et la prise de décision du client.
Quelles marques selon vous ont révolutionné leur approche de cette expérience client ?
Pour moi, Harley-Davidson est le symbole de l’entreprise qui a évité le dépôt de bilan dans les années 80, en se recentrant sur l’expérience client. Ils ont trouvé le moyen de capitaliser sur la fidélité de leurs clients, en créant une communauté qui valorise l’expérience vécue par les motards, plutôt que le produit.
Harley-Davidson créait ainsi un nouveau paradigme : celui de transformer des produits en expérience. Cette communauté d’utilisateurs, de revendeurs, de distributeurs, d’employés partagent leur expérience autour de clubs, rallyes, publications, événements nationaux et locaux, une ligne de vêtements et d’accessoires, une offre d’assurance, une carte bancaire, un service de location, un service de dépannage d’urgence et, depuis peu, un musée, temple dédié à l’expérience Harley.
L’expérience client se fondant avec l’expérience de marque, Harley-Davidson a réussi à augmenter son chiffre d’affaires, son bénéfice et surtout a gagner de nouveaux créneaux de clientèles : au-delà des vieux routards barbus en blouson noir, genre Easy Rider, ce sont des cadres, des étudiants, des start-uppers, qui s’amourachent de la Harley, attirés par le life style, la personnalité, les émotions véhiculés par la marque.
Il y a un mois, j’étais à l’Apple Store de Grand Central à New York, une boutique dépouillée, élégante, intégrée dans le grand hall de la gare où les commerciaux prenaient leur temps pour présenter l’iPhone 5, en utilisant des iPads.
Le succès des Apple Stores n’est pas uniquement dû à la beauté et à l’innovation des quelques produits proposés, mais surtout à l’expérience vécue par les clients. Apple a recruté des commerciaux n’ayant pas uniquement des connaissances produits, mais surtout des compétences relationnelles. S’inspirant de la politique d’Empowerment des collaborateurs du Ritz Carlton, Apple a pratiqué la responsabilisation (autonomie et implication) de ses commerciaux en les laissant librement interagir avec les clients, sans script [selon des sources], sans contrainte de temps, puis leur a permis de s’exprimer librement auprès de leurs n+1, en émettant des avis et en remontant du terrain, le feedback des clients. Les Apple Stores ont permis aux clients de vivre des expériences positives en leur permettant de trouver des solutions à leurs problématiques.
Le multicanal est-il une opportunité ou un risque dans cette élaboration de l’expérience client ?
Beaucoup d’entreprises n’en sont qu’au multicanal, c’est-à-dire qu’elles offrent le choix de plusieurs canaux lors d’un processus d’information, de vente ou de communication. Cela ne permet pas au client de changer de canal en cours de processus, car les canaux sont « silotés ». L’expérience client est donc contrainte par le choix d’un canal.
Mais, les clients attendent de l’entreprise autre chose que la simple cohabitation de plusieurs canaux, c’est-à-dire qu’ils réclament une expérience client unifiée, fluide et totale, quelques soient les processus utilisés et les canaux existants. C’est ce que l’on nomme l’expérience client omni-canal.
Avoir un parcours client fluide, c’est permettre au client de faire ce qu’il veut (s’informer, acheter, retourner un produit, etc.) quand il veut, où il veut et de la manière qu’il le souhaite (Web, point de vente, etc.). Car le client a de multiples parcours d’achat, qu’il définit lui-même et pour lequel il a les mêmes attentes en termes de qualité d’expérience.
Le mur interactif de Casino, par exemple, permet aux clients d’effectuer des achats en flashant les codes barres des produits puis de finaliser cet achat sur son application mobile, avec éventuelle confirmation par eMail ou SMS, ou de pouvoir se renseigner sur des produits, comme avec l’AdiVerse d’Adidas.
L’omni-canal s’est imposé de façon inconsciente au client grâce au Cloud qui lui permet, avec l’usage de services Internet, de stocker ses informations (données clients, données produits, transactions, etc.) et d’y accéder, à tout moment, quelque soit le canal (ou device) utilisé.
Cela suppose une connaissance approfondie des clients (comportements, opinions, attentes) et une organisation adaptée.
En termes d’organisation, Les Galeries Lafayette ont mis en place une plateforme technique de gestion omni-canal, avec en ligne de mire la possibilité de proposer des suggestions de ventes en fonction du parcours client et d’augmenter la proximité avec ce dernier.
Je parlerais plus de difficultés que de risques avec l’omni-canal, car on peut se demander comment :
- disposer d’une vision unique du client, alors que les systèmes d’information se sont souvent constitués par adjonction de briques logicielles, en fonction des canaux ;
- tenir compte de la gestion informatisée des données collectées en masse (Big Data) inhérentes à cette multiplicité et convergence de canaux, notamment en ce qui concerne la gestion des processus métier et des RH.
L’opportunité qui nous est offerte, c’est :
- d’être à l’écoute des clients et de privilégier ce qui est important pour eux : déterminer AVEC eux, les Moments de Vérité à privilégier ;
- le défi de considérer l’expérience client dans sa globalité, quelque soit la multiplicité des canaux.
Quels conseils donneriez-vous aux marques pour fluidifier le parcours client ?
Je donnerais 3 conseils majeurs, qui paraissent couler de source, mais qui ne sont pas si simples à mettre en œuvre et à coordonner :
1. Instaurer une Culture du Client au sein de l’entreprise et de son réseau étendu (partenaires, distributeurs, agences, franchisés, etc.). Il ne sert à rien de tenter d’améliorer l’expérience avec des technologies mobiles et des magasins connectés, si les pré-requis de la relation client ne sont pas satisfaits. Un personnel formé et éprouvant de l’empathie pour le client, suscitant ainsi une relation de confiance, est le premier échelon de différenciation, qui par ailleurs, est difficile à copier. C’est le cas du programme « Customer Power » de l’éditeur informatique français Cegid.
2. Être à l’écoute des clients, en instaurant les bonnes méthodes et les outils appropriés. Une entreprise centrée client ne doit pas tenter d’améliorer l’expérience de ses clients en décidant pour eux ou en copiant les best-in class, mais en prenant en compte les attentes formulées par ses propres clients. Je préconise fortement le collaboratif client, qui permet d’impliquer en amont ses clients en termes d’amélioration ou de développement de produits ou services, d’expériences clients, de processus métier, etc. Darty a par exemple mis en place la plateforme « 36 000 Solutions » pour dialoguer avec les internautes et créer du lien.
3. Savoir prendre en compte la Voix du Client et gérer le changement dans les processus opérationnels de l’entreprise et les personnes. Écouter le client, c’est bien ! Prendre en compte ses attentes, lorsque c’est possible, en améliorant et adaptant ses processus et en formant son personnel, c’est encore mieux. C’est le cas de Camaïeu qui, pour mieux répondre aux besoins de ses clients et instiller une culture du client, a centralisé toute sa logistique client (eCommerce, fidélité, call-center, etc.) autour d’un même pôle.
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