Depuis la création de ClientauCoeur en 2006, je suis particulièrement attachée à l’usage des communautés de clients par les entreprises et organisations de toute nature et j’oeuvre dans ce sens dans mon métier de consultante.
En effet, les communautés de clients sont un formidable outil de support à tout projet de fidélisation et de conquête de clients. En permettant d’engager des discussions approfondies sur les attentes, insatisfactions, besoins des clients, une entreprise peut améliorer l’expérience de ses clients et donc les fidéliser.
En collaborant avec ses clients au moyen de communautés en ligne ou en mode présentiel, une entreprise peut monter un programme de clients ambassadeurs afin de susciter de la recommandation auprès de prospects.
Elles permettent également de collaborer avec les clients pour améliorer, développer des produits et services  et de réfléchir à comment adapter ses processus aux attentes des clients.
Je vais vous présenter au moyen d’une interview une communauté d’utilisateurs d’une suite de logiciels pour acheteurs : le Club Synergy SynerTrade.
SynerTrade est un éditeur de solutions logicielles pour acheteurs professionnels.
Vous allez pouvoir découvrir comment des clients / utilisateurs volontaristes ont pris le pouvoir en douceur pour influencer leur éditeur sur les principales décisions concernant leur logiciel phare, qu’ils utilisent au quotidien. Et vous pourrez découvrir également qu’une entreprise a tout intérêt à collaborer pour le meilleur avec ses clients, surtout les plus gros et les plus rentables.
Pour cela, j’ai interviewé Marc-Antoine Sélaquet (M.A.S), Directeur de la Maitrise d’Ouvrage des processus et SI Achats indirects chez Renault et Président de la toute jeune association Synergy SynerTrade.
LB : Marc-Antoine Sélaquet, pour quelles raisons avoir créé cette association Synergy SynerTrade, alors qu’il existe déjà un Club Utilisateurs des solutions de l’éditeur SynerTrade ?
M.A.SÂ : En effet, le Club Utilisateurs SynerTrade existe depuis juin 2012, mais il n’avait pas de structure juridique. Sous l’impulsion directe des clients de l’éditeur et en quelques réunions, la nécessité d’une structure juridique s’est rapidement imposée. Il a été décidé de créer une association dans laquelle il est spécifié que ce club utilisateurs doit servir aux utilisateurs, même s’il est vrai que le démarrage de cette communauté s’est faite avec le concours de l’éditeur SynerTrade.
LB : Comment a réagit SynerTrade ? Quelle est sa position ?
M.A.SÂ : SynerTrade était plutôt favorable à cette initiative, en tout cas pour la partie française. En effet, SynerTrade est un éditeur franco-allemand.
Les allemands n’ont pas encore vraiment intégré ce qu’une communauté d’utilisateurs peut leur apporter. En un an d’existence, deux réunions avec le patron allemand ont été organisées. Le Club a le sentiment qu’ils [les dirigeants et les directeurs de SynerTrade] doivent apprendre à travailler avec ce modèle de collaboration. D’autant qu’un client, c’est ce qui fait vivre une entreprise et qu’aujourd’hui le client a le pouvoir de décider de changer d’éditeur ou pas.
LB : Avez-vous déjà remonté des demandes à l’éditeur SynerTrade ? Ces demandes ou informations ont-elles été prises en compte ?
M.A.S : Oui, car nous sommes 40 gros clients sur 60 dans le Club et quand nous nous mettons d’accord sur le développement d’un sujet et qu’il y a consensus, ça aide SynerTrade à concentrer ses efforts sur les demandes des clients les plus lourds. Cela donne aussi du pouvoir aux clients car l’éditeur ne peut prétexter qu’il ne peut pas répondre à toutes les demandes, puisqu’elles émanent des clients les plus importants. C’est tout l’intérêt des communautés de clients.
Par ailleurs, le Club Utilisateurs Synergy SynerTrade est un levier positif pour trouver de nouveaux clients : les membres du club en tant qu’ambassadeurs potentiels ont déjà reçu des prospects intéressés par les solutions de SynerTrade. Vous imaginez l’impact économique ? SynerTrade progresse de 40% par trimestre grâce en partie au buzz positif sur le Club utilisateurs et en partie grâce à leurs bonnes pratiques commerciales. D’où l’intérêt de réussir à bien travailler ensemble et à mieux se connaître. Pour cela, nous devons nous fixer des objectifs ambitieux mais réalistes, pour réussir à faire progresser SynterTrade. Le Club utilisateur doit grossir en même temps que SynerTrade.
LB : Justement, quels sont les facteurs clés de succès d’une telle communauté ?
M.A.SÂ : C’est la qualité des sujets rapportés à l’éditeur afin de le convaincre. Les utilisateurs de notre Club se réunissent 4 fois par an et listent les sujets, les priorisent et mesurent les succès de leur prise en compte par l’éditeur et donc la mesure d’influence de la communauté. Si les plans d’action ne débouchent pas sur des cas concrets, cela s’arrêtera. Pour cela, il faut que tout le monde joue le jeu et que tout le monde soit positif. Cela demande de l’implication de la part des membres et de l’éditeur. Cela nécessite de la motivation à s’investir et à continuer. Il faut se donner les moyens de prise en compte et de mise en oeuvre qui débouchent sur des résultats.
LB : Comment se concrétise la collaboration avec SynerTrade ?
M.A.SÂ : Un comité de pilotage avec les deux patrons français et allemand est organisé régulièrement. Nos réclamations leur demandent beaucoup de travail car SynerTrade est un éditeur de taille moyenne (125 collaborateurs) qui a plus de clients que de salariés. Ils ne peuvent pas tout changer en quelques minutes. On organise des réunions de suivi du plan d’action.
LB : Concrètement quels sont les sujets que vous abordez dans ce Club ?
M.A.SÂ : On se réunit pour échanger, en dehors des demandes directes à SynerTrade, sur des thématiques de bonnes pratiques concernant notre métier d’acheteurs. Par ex. «Â Pour une montée de version, voilà comment je m’y prends…Â » Deux entreprises vont alors présenter leur montée de version.
Autre thématique : les appels d’offres. Comment les paramétrer. Est-ce limité à un nombre de fournisseurs ou pas ? Comment les gérer ? Comment gérer les performances achat et le suivi ? Etc.
Ou encore, le Spend Management, qui consiste à rapprocher la vision des acheteurs de celles des contrôleurs de gestion et comptables. Cela concerne les DG qui veulent que toutes les actions Achat apparaissent dans leur compte de résultats. Dans ce cas, comment peut-il voir les différents traitements ? Il s’agit de mettre en évidence des chiffres qu’ils n’avaient pas avant. Un outil de SynerTrade permet de les voir.
On implémente aussi des processus : lorsqu’on fait des appels d’offres, on rentre les processus achat de l’entreprise. Une fois dedans, on ne peut plus y déroger. Si des règles d’entreprises imposent des contraintes, les outils n’y sont pour rien.
Et donc, on partage toutes ces bonnes pratiques.
LB : Dans votre communiqué de presse, vous citez l’existence d’une communauté en ligne. Quelle plate-forme logicielle utilisez-vous ?
M.A.SÂ : Oui cette communauté en ligne permet l’échange d’informations. Comme on se réunit 4 fois par an en mode présentiel, la communauté en ligne permet de faire le lien entre ces intervalles. On y trouve la liste des adhérents, les profils, les modules utilisés, les comptes-rendus, un forum de discussion et pleins d’autres informations… En ce qui concerne la plate-forme communautaire, c’est l’agence de communication Pour Action qui la gère.Â
LB : A quels challenges êtes-vous amenés à faire face ?
M.A.SÂ : Ce qui est délicat pour nous c’est le statut entre celui d’utilisateur et celui de client. Le Club Synergy représente les clients actuels. SynerTrade peut vouloir développer des fonctionnalités qui intéressent des prospects, mais pas les clients actuels. Un ex. la mobilité. Il faut donc réussir à faire comprendre à l’éditeur où se trouve son intérêt.
Un autre exemple, lors de leur événement annuel Key Users, durant lequel SynerTrade, ou plutôt le directeur technique a présenté les nouvelles évolutions en termes d’ergonomie, le Club utilisateurs Synergy a pris la parole pour leur faire comprendre que 40 à 50% des spécificités fonctionnelles ne convenaient pas. En effet, à aucun moment l’éditeur n’a interrogé ses clients pour connaître leur avis et leurs besoins avant de développer ces nouvelles fonctionnalités.
LB : En seulement un an d’activité, quelles conclusions en tirez-vous ?
M.A.SÂ : Globalement, l’expérience est positive. Il fallait un cadre juridique et une cotisation pour que les sociétés clientes s’impliquent. D’ailleurs nous avons lancé une mini enquête auprès de 40 à 60 utilisateurs pour mesurer leur ressenti par rapport au logiciel et à différents points d’ergonomie, de stabilité des données, etc. et bien sûr l’intérêt du club. Le résultat était positif. Tous les 6 mois nous sonderons les utilisateurs. Cela permettra de crédibiliser le discours auprès de SynerTrade.
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